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Diocèse d'Amiens - Fête de la Saint Firmin
28 septembre 2009

St Firmin 2009 méditation matin

« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! » 1 Co 9, 16b


Introduction


Autant le dire franchement, cette phrase de Paul ne m’a jamais fait bondir d’enthousiasme, par son apparence de condamnation, par son côté exigeant, comme si l’apôtre soupçonnait notre paresse ou notre excessive prudence. On a envie de lui répondre : « Oui, eh bien s’il croit que c’est facile… » Ou bien : « Mon cher Paul, nous sommes plus avides de rencontres respectueuses que de télé évangélisation conquérante! »

De quoi s’agit-il ? Le texte national des évêques parle d’une « responsabilité catéchétique » que l’Eglise ne peut déserter. C’est drôle, on croirait presque entendre « responsabilité parentale ». Et effectivement, la suite du texte évoque la « sollicitude maternelle » que l’Eglise doit exercer pour ceux qui cherchent à se tenir dans la vie en tant que croyants. Le souci des personnes que nous avons en face de nous est le cœur de la catéchèse : il s’agit d’accompagner l’itinéraire chrétien, le processus de transformation, l’éclosion et la croissance de la vie évangélique… comme des parents accompagnent l’éveil de leur enfant à la liberté.

La démarche proposée est bien celle de nous mettre tous en état d’initiation, mieux, en chemin d’initiation. Tous, nous sommes catéchisés ; tous, nous sommes catéchisants. Nous pourrions sûrement garder en mémoire ce que disait ce vieux rabbin qui avait passé sa vie à enseigner : « Avec mes maîtres, j’ai appris un peu ; avec mes collègues, davantage ; avec mes élèves, encore bien plus. » Cela exprime bien l’humilité fondamentale requise de ceux qui voudront annoncer la Bonne Nouvelle.

Notre diocèse est particulièrement attaché à la figure de Jean-Baptiste, de par l’histoire de la cathédrale. Puisse cette figure inspirer notre courage, notre parole, pour véritablement préparer les chemins du Seigneur dans l’histoire, dans le quotidien, dans le cœur de nos contemporains. S’il fallait une autre figure tutélaire de l’ « annonceur », pourquoi pas Jonas, avec son mauvais caractère, sa liberté de parole et son message qui convertit…

Détaillons mot par mot : « malheur », « annoncer », « Evangile »


« Malheur »

Paul n’y va-t-il pas un peu fort ? Qu’est-ce que c’est que le mal ? A la suite de la psychanalyse, nous pouvons répondre : « ce qui fait mal à autrui ». Notons que dans la Bible, les prophéties de malheur ne sont pas pour les pécheurs, mais pour ceux qui se croient justes et supérieurs, qui croient savoir, « qui se la jouent » comme disent les gamins, qui méprisent et excluent les autres.

Alors, oui, je suis malheureux si je me tais, si je m’isole, si je pense d’abord à moi. Car il est des silences mortifères. Vous avez lu, ou vu, Le silence de la mer, ce poignant huis clos pendant l’Occupation. Je me suis souvent demandé pourquoi ce titre, alors que ça se passe dans une ferme en rase campagne. Quand on a interrogé Vercors sur ce titre, il a répondu : « Le silence de la mer, c’est le fond de l’océan où règnent les squales meurtriers. » Aujourd’hui, ce silence-là pèse sur notre monde : silence de la dignité blessée, silence de la loi du plus fort, silence de l’ignorance et de l’obscurantisme. Alors oui, malheur si nous restons silencieux, car la Bonne Nouvelle manquera à ceux à qui elle n’est pas annoncée.

On objectera que c’est difficile, ou que ça coûte cher… Un jour, on reprochait au président Lincoln le montant faramineux du budget de l’Education. Il avait répondu : « Si vous trouvez que l’instruction coûte cher, essayez l’ignorance… »

On aura aussi la tentation de remettre à demain cette annonce : « On va déjà exister pour nous, on se tournera vers les autres après… » Ce serait une grave erreur, l’Eglise n’existe que par son rapport d’amitié avec Dieu et avec les autres. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera trop tard.

Nous pourrions reprendre les vers magnifiques de René Char :
« Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable. »


« Annoncer »

Reconnaissons que parfois, nous sommes découragés devant les difficultés de l’annonce. Combien de fois les mots d’Aragon nourrissent la prière du catéchiste découragé, du prédicateur désabusé, du témoin démotivé :
« J’aurais tant voulu vous aider
Vous qui semblez autres moi-même
Mais les mots qu’au vent noir je sème
Qui sait si vous les entendez
Tout se perd et rien ne vous touche
Ni mes paroles ni mes mains
Et vous passez votre chemin
Sans savoir ce que dit ma bouche. »


Comment annoncer ? Déjà, avec les oreilles : cela commence par écouter, se rendre attentif, proche de ceux que nous rencontrons. Il ne nous faudra jamais oublier que c’est seulement si nous portons des pensées de paix, de bienveillance à l’égard d’autrui que nous pourrons dire en vérité et avec quelque chance d’être pris au sérieux : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! »

Ensuite, et je reprends l’expression de Paul VI, en « se faisant conversation », je cite : « L’Eglise doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Eglise se fait parole ; l’Eglise se fait message ; l’Eglise se fait conversation. (…) Cette forme de rapport indique une volonté de courtoise, d’estime, de sympathie, de bonté de la part de celui qui l’entreprend. Elle exclut la condamnation a priori, la polémique offensante… » (Ecclesiam suam, 1964)

Annoncer, c’est parfois prononcer : prononcer le nom de notre interlocuteur, à l’image de Jésus ressuscité qui interpelle au matin de Pâques : « Marie ». Et elle se retourne, et elle se convertit.
Annoncer, c’est parfois énoncer, risquer une parole de foi, aborder sans crainte le contenu du message chrétien et ses implications pour aujourd’hui.
Annoncer, c’est parfois se prononcer pour, prendre parti pour ceux à qui nous sommes envoyés, favoriser ce qui les épanouira à leurs yeux comme aux yeux de Dieu.
Annoncer, c’est parfois dénoncer : quand les critères moraux sont de plus en plus élastiques au fur et à mesure que les enjeux financiers sont de plus en plus importants, quand les immigrés clandestins de Calais sont moins bien traités que les chiens à la SPA, quand on claironne triomphalement que 27 000 étrangers seront expulsés de France en 2009, quand les adultes se déchirent devant leurs enfants, etc, etc… Il revient alors à l’Eglise de dénoncer, sans toutefois oublier que c’est d’abord à l’intérieur de soi qu’il faut chercher ce qui est à dénoncer, selon l’attitude recommandée par le Christ dans la parabole géniale de la paille et la poutre (Mt 7).

Enfin, par l’exemple ! « Avant de prêcher la parole, il faut examiner sa propre vie. » disait St Grégoire le grand. Cela permettra de « parler d’expérience », comme on dit, de savoir de quoi on parle. Le Texte national, le projet diocésain de catéchèse, montrent que l’Eglise a mieux pris conscience que l’annonce de l’Evangile ne peut être reçue qu’au sein d’un témoignage d’amitié. Finalement, nous ne pourrons jamais faire mieux qu’essayer de traduire l’attitude accompagnatrice du Christ : les actes du Christ, l’écoute et le regard du Christ, dire une parole de vérité, dire une parole qui sauve… « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » (Mc 12) ; « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis. » (Jn 15).


« Evangile »

Il s’agit d’annoncer l’Evangile, étymologiquement, la Bonne Nouvelle. Ce que nous disons est-il 1. Bon, heureux, vivifiant ? 2. Nouveau, inattendu, inespéré ? Il s’agit d’annoncer la Bonne Nouvelle en étant soi-même Bonne Nouvelle. Notre présence, notre simple arrivée dans une pièce de la maison, ou notre voix au téléphone, ou un courriel avec notre nom qui s’affiche… Est-ce que cela éclaire d’un sourire le visage des autres ? En voilà une bonne question : sommes-nous des « Bonne Nouvelle » ? L’Eglise n’annoncera bien que si elle cherche comment elle-même peut vivre la nouveauté de l’Evangile.

Il m’est revenu une phrase magnifique de Chateaubriand au sujet de l’annonce de la Bonne Nouvelle : « L’Evangile, sentence d’acquittement, n’a pas encore été lu à tous. » C’est superbe, et on pourrait relire l’Evangile en pensant à cela : une sentence d’acquittement : la Parole du Christ délie, libère, relève. Combien attendent cette parole ? Combien sont fatigués d’attendre ? Combien ne peuvent pas entendre ? Voilà qui dessine l’urgence de notre tâche : « L’Evangile, sentence d’acquittement, n’a pas encore été lu à tous. »

Paul VI rappelle, en 1975, dans Evangelii Nuntiandi (n° 14) : « Evangéliser est la grâce et la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser. »

Annoncer l’Evangile, car la foi naît de l’annonce, comme l’annonce naît de la foi. L’apôtre n’est pas propriétaire de ce qu’il annonce, il est porte-parole. Il ne s’annonce pas lui-même. Il doit rester libre pour conserver libre la parole elle-même. Cependant, le message que nous annonçons doit informer notre vie à chaque instant, si nous voulons être crédibles.


Conclusion : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! » A qui ?

A tous, et évidemment en priorité à ceux qui ne le connaissent pas. A tous, et donc aussi à nous-mêmes. C’est aujourd’hui, pour les hommes, femmes et enfants d’aujourd’hui, que l’Eglise veut faire retentir, résonner, la Parole de Dieu. Cette parole s’incarne différemment à chaque époque, différemment pour chaque personne. Nous voulons faire écho à la Parole même de Dieu, une parole créatrice, vivifiante, éclairante, qui donne sens à ce que nous vivons.

L’annonce de l’Evangile place l’humanité devant le mystère du Christ Fils de Dieu, mort et ressuscité. Cette annonce sollicite la liberté de religion et de conscience, elle sollicite une réponse, elle sollicite une conversion. C’est dans l’échange, le dialogue, que se fait l’annonce. Car de l’accueil ou du refus de l’interlocuteur dépend la transmission, ou l’extinction, de la Parole. Pour être reçus, soyons recevables ! Selon Ac 2, chacun doit pouvoir entendre dans sa langue les merveilles de Dieu.

Nous allons garder un instant de silence, en rendant grâce à Dieu pour celles et ceux qui nous ont annoncé l’Evangile, en nous rendant disponibles à cette mission confiée à tous les baptisés : annoncer l’Evangile. Rappelons-nous que, lors des ordinations, l’évêque transmet la Bible avec ces mots magnifiques qui viennent de St Augustin :
« Crois ce que tu lis ; enseigne ce que tu crois ; vis ce que tu enseignes. »

Jean-Maire POITOUT

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